Dans la première partie de cet article, nous avons exploré neuf erreurs communes dans la gestion des coûts du projet.
Parmi les erreurs évoquées, celles qui surviennent dans les phases de l’avant-projet, d’initialisation et de planification.
Dans cette deuxième partie, nous aborderons les erreurs relatives au manque de compétences, à la maîtrise des coûts et à l’intégration du projet au sein de son environnement.
1) Manquer de compétence en gestion contractuelle
Il arrive souvent que dans certains projets, l’entreprise réalisatrice n’ait pas les compétences nécessaires pour gérer et/ou réaliser son projet avec les moyens internes.
Elle recourt donc à la sous-traitance.
Les coûts de cette externalisation peuvent donc devenir la partie majeure du budget.
Par conséquent, la sensibilité du budget vis-à-vis des sous-traitants augmente.
La sous-traitance est une manière pour externaliser le risque, mais à condition de « dé-risquer » le contrat qui la gère.
Il suffit d’oublier de mettre des pénalités en cas de dépassement excessif ou de stipuler explicitement un engagement du sous-traitant pour avoir des retards.
Cela entraîne également une pile de claims et donc des surcoûts pouvant ruiner le projet.
La meilleure astuce, c'est tout simplement de s’appuyer sur les experts en gestion contractuelle de l’organisation afin d’engager le projet dans des contrats gagnant-gagnant.
L’idéal est d’avoir des contrats qui confèrent les risques spécifiques aux entités les mieux à même de les gérer.
De plus, il ne faut surtout pas négliger de vérifier la bonne santé financière de vos sous-traitants, car elle impacte directement votre projet.
2) Manquer de compétence de gestion des claims
Penser que les dépenses d’un projet prennent fin à la validation de tous ses livrables est bien une idée complètement fausse.
Plusieurs projets ont été terminés dans le budget et se sont vus déclarer l’échec financier après coup.
Comment c’est arrivé ? Tout simplement à cause d’un claim.
Ne pas savoir gérer ou mal gérer un claim est tout à fait normal, même pour les chefs de projets chevronnés, et ce, pour deux raisons :
- Premièrement, aucun claim ne ressemble complètement à un autre.
- Deuxièmement, chaque claim dépend intimement du contrat en question et des interfaces de l’entité réclamante avec les autres parties prenantes du projet.
De plus, l’impact d’un claim peut être fatal non seulement pour le projet, mais pour l’entreprise réalisatrice.
Il ne s’agit plus de dérive à proprement parler, mais de dédommagement pouvant dépasser de plusieurs fois le budget global du projet.
Pour éviter de vivre des situations pareilles, 3 bonnes pratiques sont à votre portée :
- Premièrement, il faudrait vous former ainsi que vos équipes à la gestion contractuelle, pour vous permettre d’identifier les signes avant-coureurs des problèmes contractuels.
- Deuxièmement, tout faire pour éviter un claim et essayer de résoudre la situation à l’amiable durant le projet.
- Enfin, rappelez-vous qu’une bonne gestion des réclamations consiste à les éviter dès la signature du contrat.
Appuyez-vous sur vos experts achats et manager des risques, ainsi que sur vos conseillers juridiques pour désamorcer les contrats à fort risque de conflit.
3) Avoir un processus de maîtrise défaillant
On ne peut pas blâmer le chef de projet pour toutes les erreurs courantes qui surviennent dans la gestion des coûts.
Cependant, il reste responsable d'instaurer un processus efficace de maîtrise.
Et ce, même avec des moyens simples.
Le fait de ne pas comparer le réalisé au planifié est l’une des causes des dérives des coûts sur les projets.
Pour éviter que la gestion des coûts ne devienne une activité isolée et déconnectée du terrain, découvrez pourquoi intégrer la gestion des coûts au projet global est essentiel pour assurer le succès financier dans cet [article complémentaire](lien vers article 2).
Cela revient à reléguer implicitement les coûts à un rang secondaire.
Parmi les causes de défaillance des processus de maîtrise, il y a la dispersion des informations dans l’espace et dans le temps.
Sur chaque dépense et chaque approvisionnement, il y a une multitude d’informations à aller chercher et à en suivre l’évolution.
Le faire avec des moyens artisanaux comme une simple feuille Excel peut s’avérer une perte de temps sans valeur ajoutée.
Avec le temps, le plus tenace des chefs de projet pourrait se démotiver et laisser tomber.
L’une des astuces à appliquer est de capitaliser sur les REX de projets antérieurs pour disposer des outils adéquats, et ce, dès le lancement du projet.
Car c’est au début qu’il faut vaincre l’inertie du processus de maîtrise.
De plus, vous pouvez déléguer le suivi de certains contrats à des membres de votre équipe.
Ainsi, vous aurez moins de charge et ces contrats seront mieux suivis car une personne leur est spécifiquement dédiée.
4) Ne pas organiser des revues des coûts
Le fait de ne pas disposer d’un processus de maîtrise peut se révéler aussi à travers la non-tenue de revues des coûts.
Cette revue doit être un événement sacré du projet.
Ne pas la planifier comme rituel du projet et ne pas la tenir d’une manière fréquente, est similaire à rouler indéfiniment en voiture sans vérifier le niveau de carburant ni faire de contrôle technique.
Cela entraînera des dérives sur toutes les dépenses de votre projet, par manque de prise de recul sur votre budget.
Parmi les raisons qui poussent les chefs de projet à ne pas tenir des revues des coûts, on trouve souvent la faiblesse de la gouvernance de l’organisation elle-même.
Pour certaines entreprises où la maturité organisationnelle ne dépasse pas le deuxième niveau du modèle CMMI (Capability Maturity Model Integration), l’organisation des revues de suivi n’est pas une activité standardisée.
Ce manque de cadrage organisationnel peut désarmer le chef de projet face à une charge énorme de gestion improvisée.
Si vous vous trouvez dans une telle situation, la meilleure astuce est de vous imposer, au minimum, une revue mensuelle.
Celle-ci doit inclure votre sponsor, votre contrôleur de gestion et votre PMO.
Cela permettra d'afficher le cadre et de justifier vos exigences de demande d’information auprès des différentes parties prenantes.
Cela minimisera également les dérives budgétaires et contribuera à l’amélioration de la gouvernance de votre projet.
5) Négliger les facteurs environnementaux (géopolitique / inflation)
Votre rôle de chef de projet vous exige d’intégrer le projet dans son contexte global.
L’une des erreurs communes est le fait de négliger ce qui se passe autour de votre projet, sur le plan local, régional, voire international.
Étant donné l’environnement extrêmement mondialisé dans lequel nous gérons nos projets, ces derniers peuvent subir des impacts externes à tout moment.
Parmi les conséquences de ces « effets papillon », nous pouvons citer un impact économique de la géopolitique, à savoir l’inflation.
Ne pas en tenir compte dans vos budgets causera des dérives budgétaires sur tous les approvisionnements importés et/ou indexés sur des devises internationales comme le carburant.
Pour éviter ce genre de dérive, d’abord, une lecture économique de votre environnement est nécessaire pour mesurer la sensibilité du projet vis-à-vis des chocs externes.
Puis, le meilleur remède pour minimiser l’impact de l’inflation est de budgéter des réserves pour aléas.
Une bonne planification des coûts commence dès la phase initiale avec un Business Case solide.
Enfin, si possible, négociez des approvisionnements afin de réserver vos besoins à prix fixe à moyen terme.
6) Subir passivement la lourdeur administrative
La taille de l’organisation réalisatrice et son niveau de maturité, pourraient être la cause originelle de dérives financières sur les projets par la lourdeur des procédures.
Souvent, les retards causés par le manque d’agilité administrative font que les projets paient pour les retards de paiement ou ratent de meilleures opportunités d’approvisionnement.
Ce ne sont pas des coûts directs, mais des manques à gagner.
S'ils sont saisis, ils peuvent alléger le budget du projet de quelques points.
Alors comment faire contre ce facteur environnemental du projet ?
La meilleure astuce est d’en discuter avec les parties prenantes dès le lancement des approvisionnements.
Informez vos clients et vos fournisseurs des délais moyens constatés pour dérouler les processus des achats, pour ne pas avoir des réactions inattendues de leur part.
7) Négliger les différents niveaux de gouvernance
Vu la taille de certains groupes d’organisations, la direction des achats adopte des procédures au niveau du groupe et d’autres, applicables par service ou par projet.
Ceci présente d’innombrables bénéfices en termes d’optimisation de la gouvernance globale.
Cependant, cela ajoute également de la complexité aux projets.
Le vrai risque réside dans les petites différences imperceptibles entre les Conditions Générales d’Achat (CGA), et les Conditions Particulières d’Achat.
Normalement, les CGA englobent les CPA.
Mais, il arrive que certains contrats particuliers ne spécifient pas certaines conditions et que l’équipe projet n’y accorde pas d’attention.
On se trouve, alors, dans une situation de conflit potentiel par manque de compréhension du cadre contractuel.
Mis-à-part la nécessité de vous appuyer sur vos responsables achats, l’une des meilleures astuces pour éviter cette erreur est de tenir une check-list de sécurisation des contrats.
Au lieu de relire les CGA et les CPA, vous pouvez élaborer une liste de points à vérifier pour gagner en efficacité.
Vous éviterez ainsi plus facilement les dérives qui peuvent en résulter.
8) Ne pas faire de REX
La dernière erreur dont nous allons parler est le simple de fait de ne pas capitaliser sur vos expériences sur la gestion des coûts.
Ne faites pas de REX et vous contribuerez à la ruine des prochains projets !
Souvent, on est tellement concentré sur la résolution des problèmes qu’on oublie d’élaborer nos REX.
Même s’il y a un très grand nombre d’erreurs possibles sur la gestion des coûts, les plus impactantes peuvent être identifiées et limitées.
C’est sûr que c’est lourd d’élaborer des REX assez exhaustifs et complets pour éviter toutes les erreurs.
Mais, vous pouvez déjà bénéficier du temps passé sur les revues des coûts.
Ce sont des occasions de discuter, d’analyser et d’archiver au moins une erreur par revue.
Conclusion
Dans cette seconde partie, nous avons exploré certaines des erreurs souvent commises lors de la maîtrise des coûts de projet, liées à la gestion contractuelle, aux processus de contrôle et aux facteurs environnementaux.
Un manque de compétence dans ces domaines peut gravement nuire à la viabilité financière de votre projet.
Vous pouvez mieux gérer vos budgets et livrer vos projets dans les limites budgétaires allouées :
- En renforçant les compétences contractuelles
- En assurant des revues régulières
- En tenant compte des facteurs extérieurs