9 Erreurs courantes en gestion des coûts : Avant-projet, Planification et Communication

Dans son rapport annuel « Pulse of the profession 2018 », le PMI annonce que de 2011 à 2018, un tiers des projets ont vu leurs budgets être entièrement perdus après leur échec et que moins de 60% des projets finissent dans le budget. 

Des chiffres qui font froid dans le dos des investisseurs.

Dans la première partie de cet article, nous allons explorer certaines erreurs communes en gestion des coûts relatives à l’avant-projet, les estimations et bien d’autres sources d’erreur, afin d’éviter que vos projets ne connaissent des échecs financiers.

Erreur 1 : Négliger le Business-Case

Selon le PMBOK6 : « La gestion des coûts du projet comprend les processus relatifs à la planification, à l’estimation, à l’établissement du budget, au financement, au provisionnement, à la gestion et à la maîtrise des coûts, afin que le projet soit achevé dans les limites du budget approuvé. »

Ainsi, nous comprenons que la gestion des coûts commence dès l’élaboration du Business-Case du projet avec une attention particulière sur les critères de réussite en termes de coûts.

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Nous essaierons de passer en revue certaines erreurs communes en suivant le sens du cycle de vie d’un projet.

Étant donné que le Business-case est une étude de faisabilité économique documentée destinée à s’assurer de la viabilité d’un investissement (PMBOK6), il servira alors de donnée d’entrée essentielle pour la gestion des coûts.

Le Business-case vous indiquera l’objectif en termes de gain financier attendu du projet.

Il vous aiguillera donc quant à vos choix d’investissement, d’approvisionnement et de financement. 

Négliger le Business-case, c'est comme naviguer sans boussole. Vous pourriez alors prendre toutes les décisions que vous voulez.

Mais ce ne serait jamais dans l’intérêt réel de votre projet, car vous tireriez dans le mauvais sens.

La bonne pratique est donc de bien comprendre votre Business-case et de le passer en revue avec votre sponsor pour garder le cap dans la bonne direction.

Erreur 2 : Ne pas partager les objectifs « coûts » dans la charte projet

Étant donné que le Business-case est un document sensible, on ne peut pas le dévoiler à toutes les parties prenantes.

La deuxième erreur est de ne pas traduire les objectifs et les contraintes financières dans la charte de projet, un document accessible à toutes les parties prenantes.

Laisser l'équipe naviguer sans contraintes clairement exprimées et sans critères de réussite en termes de coûts entraînera une situation problématique.

Dans ce contexte, le seul qui essaiera d'aller dans le bon sens sera le chef de projet.

Le reste de l’équipe se dispersera, chacun poursuivant un objectif différent.

Et qui dit objectifs différents, dit échec cuisant.

La bonne pratique est alors d’unifier toute l’équipe autour de la même vision et de l’orienter vers le même objectif.

Erreur 3 : Ne pas demander d’avance sur budget

Vous savez bien que l’une des caractéristiques des projets, c’est qu’ils sont à cash-flow négatif.

On investit et on récupère notre retour sur investissement plus tard.

Cela peut être problématique pour certains grands projets nécessitant des budgets importants.

Et surtout si le temps nécessaire pour encaisser sa première facture est trop long.

Il est déjà arrivé que des organisations soient ruinées à cause d’un blocage au début d’un projet structurel après y avoir investi des montants critiques.

L’organisation se piège elle-même entre un ROI toujours à zéro, des finances en crises et une situation contractuelle impossible à résoudre.

La bonne pratique est donc de négocier des avances sur budget (avec lettre de crédit ou pas) dès la signature du contrat

Cela permettra de vaincre l’inertie financière du projet et de minimiser le risque de faillite à cause du projet.

Erreur 4 : Avoir une confiance aveugle dans les REX des experts

En allant vers la phase de planification du projet, tous les chefs de projet se trouvent dans l'obligation de s'appuyer sur les avis d'experts.

Cela est particulièrement vrai pendant les premières itérations des estimations des coûts. 

L’erreur n’est pas là, puisque c’est une bonne pratique de profiter des REX des experts de l’organisation, surtout au début quand il faut estimer rapidement les coûts.

C'est plutôt le fait de se baser aveuglément sur des estimations, souvent analogiques, sans les mettre dans leur contexte actuel et sans les revoir dans les itérations d’après. 

Pire encore, c’est ne pas construire une bonne base pour les estimations, tout simplement en demandant d’où elles viennent.

La bonne pratique est alors de challenger les estimations de manière périodique en appliquant une planification en vague (rolling wave planning).

Plus on avance dans le projet, plus on requestionne les estimations des prochaines activités pour les affiner.

Erreur 5 : Avoir des estimations imprécises et un budget sans réserve

En tant que chef de projet, vous avez entre les mains plusieurs méthodes d’estimation (analogique, trois points, paramétrique, etc.).

Mais, savoir utiliser la méthode ne garantit pas la précision de ses résultats.

Pour plus de précision, il vous faut :

  • Disposer de données d’entrées précises
  • Chasser les incertitudes
  • Rechallenger les estimations périodiquement. Là encore, ce n’est qu’une partie d’une erreur courante

Ce qui empire l’imprécision des estimations est bien le fait de sous-estimer les réserves, voire de les négliger complètement.

Toute planification est intrinsèquement incertaine. 

Par ailleurs, les réserves ne sont pas des bonus ou un gonflement pur et simple du budget.

Elles sont justement des estimations pour combler notre manque de connaissance de l’avenir.

La bonne pratique est de réviser périodiquement les estimations tout en les solidifiant avec des réserves estimées, elles aussi, raisonnablement.

Le jour où l’on inventera la machine à voyager dans le temps, nous pourrons alors nous passer des réserves.

Erreur 6 : Isoler la gestion des coûts 

Le chef de projet a la responsabilité d’intégrer les différents aspects de son projet.

De plus, il va à l’encontre de cette responsabilité d’isoler la gestion des coûts en la réduisant à une simple activité comptable périodique, sans liaison à la réalité du terrain.

Il ne suffit pas d’additionner ce que nous avons dépensé, de calculer combien il nous reste à dépenser et, le cas échéant, demander des rallonges budgétaires.

Gérer les coûts, c'est avant tout savoir lire le projet et prédire l’avenir à travers ses dépenses.

Même votre management n’attend pas que vous lui expliquiez comment des additions pourraient ruiner le projet, mais comment vous comptez faire pour le sauver.

"Parlez-moi de vos performances financières, et je vous dirai quel chef de projet vous êtes."

Erreur 7 : Ne pas avoir de gestion de risque adéquate 

En reliant la gestion des coûts aux risques, il y a une notion que l’on oublie souvent de demander au sponsor du projet pendant le lancement.

Cela nous cause beaucoup de dérives financières pendant le cycle de vie du projet.

Ce sont tout simplement les seuils de risque relatifs aux coûts.

Ne pas connaître les seuils de risque du projet est équivalent à conduire sans limitation de vitesse, voire sans jauge de carburant.

L’absence de seuils de risque budgétaire sur les différents volets de votre projet, fait que les frontières budgétaires entre les phases et les centres de coûts s’effacent.

Le projet devient un seul gros morceau budgétaire, où les dépassements budgétaires d’un centre de consolidation sont reportés sur le budget d’un autre centre.

Pour éviter cette situation, c’est au chef de projet de demander par quels seuils de risque budgétaire.

Il serait ainsi limité et prendra le soin de communiquer et rappeler ces seuils à son équipe.

Les revues des coûts sont l’occasion idéale pour vérifier si les seuils ne sont pas franchis, et si l’on doit alerter sur l’un des seuils.

Erreur 8 : Sous-estimer les contraintes échéancier / périmètre

Il arrive qu’on néglige la notion du triangle de fer en parlant des trois contraintes majeures d’un projet

On croit que parler de Périmètre-Coût-Délai est un sujet dépassé, alors que c’est un pilier de la gestion de projet.

L’impact de cette négligence se voit très clairement sur la gestion des coûts.

Les coûts sont dépensés sur l’utilisation des ressources humaines et matérielles (internes ou externes) nécessaires pour les activités du projet. 

Ces activités sont encadrées par un périmètre et réparties dans le temps selon un planning. 

Par conséquent, la moindre variation dans l’échéancier ou dans le périmètre se traduira sur le champ par une variation sur le budget. 

Cela exige du chef de projet d’avoir toujours deux lectures de n’importe quel changement de l’échéancier et/ou du périmètre.

Une lecture contextuelle censée traiter le changement techniquement, et une lecture financière pour interpréter l’impact sur le budget.

Erreur 9 : Avoir une mauvaise communication des avancements

L’une des erreurs que commettent les chefs de projet, surtout les moins expérimentés, est le fait de se focaliser sur les livrables et l’échéancier en négligeant le budget.

C’est une attitude tout à fait compréhensible puisque l’on veut d’abord voir les résultats de son travail et rendre des comptes après.

Et même pour ceux qui suivent leurs dépenses, une erreur commune revient souvent.

C’est le fait de négliger les dépenses engagées.

Pour simplifier, à un instant T, les coûts dépensés par votre projet, c'est la somme des factures acquittées et des coûts engagés que vous ne pouvez annuler.

La cause du problème réside dans le fait que le service de comptabilité ne va pas comptabiliser les coûts engagés pour vous.

De plus, le service des achats n’a pas la responsabilité de rendre des comptes à votre sponsor. 

Vous êtes donc le seul, disposant de l’information et étant responsable de la communiquer. 

En négligeant les « engagés » vous allez toujours montrer uniquement la partie apparente de l’iceberg.

Pour éviter de communiquer uniquement que le total de vos dépenses à date est de 10% du budget, alors que vous avez engagé l’équivalent de 50% venant à échéance dans les deux prochains mois, donnez toujours une vision à deux niveaux.

Fournissez trois informations :

  1. Vos dépenses à date
  2. Vos dépenses engagées 
  3. Et leur date d’échéance.

Conclusion 

En conclusion, la gestion des coûts dans un projet commence bien avant son lancement et repose sur une planification intégrée et une gestion des risques avisée.

Les erreurs communes sont innombrables et dépendent de l’environnement du projet, des actifs organisationnels et des attitudes des différentes parties prenantes.

Éviter toutes les erreurs est peut-être impossible, mais minimiser leur impact doit être l’un des objectifs du projet.

Après tout, le ROI de votre projet est le curseur qui va définir la confiance des commanditaires en vous et en votre équipe.

Dans la deuxième partie, nous aborderons les erreurs relatives au manque de compétences, à la maîtrise des coûts et à l’intégration du projet au sein de son environnement.

Mehdi ELGUARNI

A propos de l'auteur

Fondateur d’OWLIRIS, cabinet de formation en Management de projet. Il est diplômé de l’ENSAM et de l’ENPC.
Il est coauteur de l'ouvrage Repenser le management de projet chez les éditions AFNOR et formateur en management de projet.
Fort de plus de 10 ans d'expérience terrain, il a travaillé dans les secteurs de la chimie lourde et de l'énergie.
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