Dans l'article précédent, nous avons défini les notions de maîtrise, pilotage, surveillance, suivi et contrôle des projets.
Nous avons aussi exposé trois grandes familles d’erreurs communes. A savoir les erreurs relatives à la culture de l’organisation, à la gouvernance et enfin au facteur humain.
Dans cette deuxième partie, nous allons rappeler les définitions de base et voir les erreurs liées au projet, aux outils de pilotage et finalement aux techniques et données utilisées.
Comme promis, je vous garde un dernier petit conseil, simple mais d’une grande valeur pour votre maîtrise des projets.
Cet article, alors, vous parlera bien de l’aspect technique lors du processus de contrôle ou maîtrise de projet.
Erreurs liées au projet
Venons-en maintenant aux erreurs de pilotage intrinsèques au projet lui-même.
1) Difficulté technique du suivi et de l’accès à l’information
Ne pas évaluer la difficulté technique de l’élaboration des indicateurs de suivi de projet, peut être une erreur fatale pour la maîtrise.
Souvent, on trouve que certains KPIs, malgré qu’ils soient très pertinents, sont difficilement élaborés et/ou les informations qui les composent sont difficiles d’accès.
Vous savez, sans doute, que chacun de vos indicateurs à des coûts de construction, de maintien et d’exploitation, représentés par les heures consacrées à ces activités.
Dans ce type de situation, nul besoin de se prendre la tête, il faudrait approcher ces indicateurs complexes par une autre manière plus optimale.
Optez pour des indicateurs adaptés à chacun de vos projets. Combattez la complexité par l’adaptation.
2) Durée du projet (trop courte / trop longue)
La durée du projet peut aussi être une source d’erreur, si on n’y fait pas attention.
Disons que le pilotage de projet serait difficile pour les projets trop courts et trop longs.
Pour les projets trop courts :
- Les équipes de projets se disent que cela ne sert à rien de suivre un projet qui va se terminer au bout d’un mois (ex : les grands arrêts de maintenance).
- Le maître-mot n’est autre que la préparation. Préparez bien vos projets de courte durée en mettant à disposition de l’équipe tous les outils nécessaires et une référence de base des performances, et ce, bien avant le lancement.
Pour les trop longs :
- Les équipes perdent la motivation et la ténacité nécessaires pour suivre un projet sur plusieurs années (ex : mégaprojets de construction).
- Le leadership a un rôle décisif. Motivez vos équipes à rester concentrées sur le chemin du projet à travers un pilotage professionnel et organisé.
3) Criticité des contraintes QCD
Dans le même cadre, l’une des erreurs qui piègent les équipes projet est le fait de croire, au début du projet, que les contraintes QCD (Qualité, Coût, Délai) identifiées sont très confortables.
Cela les mène à ne pas transformer les marges d’estimation en réserves pour aléa et elles les consomment inefficacement.
Dans ce type de situation, un petit rappel de ce que propose le Guide PMBOK® (Project Management Body of Knowledge) comme indicateurs de maîtrise des projets est sans doute d’une grande utilité.
Il est à noter que la construction des indicateurs PV (Valeur planifiée), AC (Coûts réels) et EV (Valeur acquise) n’est souvent pas trop compliquée, et permet de suivre la progression du projet à travers la courbe en S.
4) WBS flou ou inexistant
Enfin, avoir un WBS (Work Breakdown Structure) ou SDP (structure de découpage de projets) flou ou ne pas l’avoir carrément empêche d’avoir une maîtrise raisonnable et efficace.
Tout simplement, comment peut-on piloter un projet si l’on ne connaît pas à quoi correspond le « 100% » d’avancement ?
On dit bien qu’il faut diviser pour mieux régner.
Vos projets ne font pas exception.
Il faut les décomposer pour mieux les maîtriser, et le WBS se trouve être le meilleur moyen pour le faire.
Le WBS, rien qu’en le visualisant, vous permettra d’avoir une idée assez claire sur l’état d’avancement de votre projet et facilitera par la suite les activités de suivi à vos équipes.
Erreurs liées aux outils
La première chose à laquelle on pense en parlant du pilotage, est le tableau de bord et les KPIs.
C’est normal, car c’est la partie visuelle et apparente du pilotage.
Mais, derrière un tableau de bord se cache bien d’autres éléments qui font qu’on commette des erreurs de pilotage.
Prenons quelques exemples.
1) Manque et/ou incompatibilité des outils
La première des erreurs relatives aux outils de maîtrise, c’est tout simplement :
- Le fait de ne pas en disposer et de faire le suivi du projet avec des outils artisanaux
- Ou bien, de disposer d’outils de pilotage incompatibles avec le besoin technique réel du suivi. Piloter un projet IT avec MS Project en est l’exemple
Dans ce type de situation, il faut laisser travailler ses experts en matière de pilotage pour définir les meilleurs outils de suivi en adéquation avec le type de projet que vous gérez.
Et qui dit outils dit, bien évidemment, l’investissement qui va avec.
2) Impuissance/surpuissance des outils
En plus du manque et de l’incompatibilité de l’outil, on ajoute également son impuissance.
Certaines équipes, par manque de formation ou même de licence d’utilisation, utilisent le même logiciel de planification/maîtrise pour tous les projets.
Ce qui les rend désarmés face à des projets trop complexes pour être pilotés comme les projets de basse complexité.
L’inverse est vrai aussi.
Utiliser de l’artillerie lourde dans de petits projets n’est pas productif.
Là encore une fois, laissez la main aux experts.
Sinon, consultez les fournisseurs des outils de maîtrise que vous utilisez est sans aucun doute une très bonne idée.
Cela vous donnera une meilleure compréhension de l’étendue des outils que vous utilisez.
3) La non interopérabilité des outils
Nous ne pilotons pas les contraintes QCD du projet indépendamment les unes des autres, bien que nous utilisions souvent différents outils pour suivre chacune d’elles.
Une erreur courante serait de ne pas opter pour des outils interopérables.
Ainsi, les données de sorties livrées par le planificateur de projet ne seront pas entièrement exploitables par le contrôleur de gestion.
Et celles du qualiticien seront inexploitables par le gestionnaire des risques, etc.
Par conséquent, le lien entre les contraintes du projet restera invisible et l’équilibre sera difficile à trouver.
Dans ce type de situation, optez pour les outils qui vous offrent des solutions de suivi intégrées et n’oubliez pas de former vos équipes pour bénéficier pleinement de leur puissance.
4) Temps de traitement des données
Ne pas faire attention à la dimension « Temps » dans la maîtrise est une erreur commune.
Il s’agit là d’utiliser des outils qui, de par leur complexité ou leur lenteur, nécessitent beaucoup trop de temps pour remplir leur fonction.
Ainsi, l’information résultante, qu’elle soit un KPI, un simple indicateur, une alerte ou une simple information de contrôle, arrive beaucoup trop tard et perd son avantage informatif.
Optez alors pour des indicateurs moins « chronophages » ou changez l’approche de suivi !
Un suivi en deux temps peut s’avérer efficace.
Cela veut dire une première montée d’information via un indicateur moins précis mais rapide qui vous permet de prendre une décision préliminaire.
Puis vous affinerez la décision avec un KPI précis mais long de construction.
Erreurs liées à la technique et à la donnée
Comme nous avons gardé le meilleur pour la fin, on arrive à deux sources d’erreur communes dans la maîtrise de projet des plus répandues. :
La technique utilisée et la donnée manipulée.
Là on on se trouve au coeur des processus de la maîtrise, et on traite du savoir-faire et de la donnée comme matière première.
1) Mauvais choix de l’indicateur
L’erreur fréquente dans laquelle toute personne pratiquant le management de projet peut tomber, est de choisir le mauvais indicateur de performance.
Un exemple ?
C’est le fait d’utiliser le nombre des jours calendaires passés depuis le début du projet divisé par la durée totale, comme étant un indicateur d’avancement.
Là, il n’y a de meilleur remède que la remise en question des indicateurs que vous avez choisi au début.
Construire un indicateur c’est bien, le challenger en permanence c’est mieux.
J’attire votre attention à ce que vous disposez de ressources intéressantes sur ce sujet à la fin de l’article.
2) Données d’entrée dispersées (par zone, par work-package, par équipe, …)
Toujours autour des indicateurs, une des erreurs qu’on commet c’est de ne pas prendre en considération le temps et l’effort nécessaire pour collecter les données d’entrée de son tableau de bord, qui sont éparpillées dans le projet.
Cette dispersion peut être géographique pour les projets « multisites », ou peut tout simplement résulter de la taille du projet.
Plus le projet est grand, plus il y’aura de work-package à suivre.
Ceci causera certainement un problème d’accès à la donnée qui deviendra une matière problème obsolète.
Le proverbe « vaut mieux tard que jamais » ne marche pas partout !
Là encore, l’harmonie entre votre WBS et votre tableau de bord est d’une grande utilité.
Sans oublier que le maître-mot ici c’est la simplicité.
Ne dépassez pas deux KPIs par centre de consolidation et si vous avez besoin de plus de détails, vous irez le chercher.
3) Discontinuité de l’information
Une autre erreur résulte bien de la précédente.
C'est la discontinuité de l’information !
Le fait d’avoir des brèches dans ses graphiques de suivi rend le tableau de bord sans valeur ou voire même contre productif.
En effet, c’est exactement comme le fait de conduire une voiture avec une jauge de vitesse qui tombe en panne toutes les dix minutes.
La continuité fait la consistance des informations tirées de vos indicateurs de pilotage.
Dans ce cas, à vous de trouver l’équilibre entre les intervalles de relevés des indicateurs et le coût qui en résulte.
Plus les intervalles seront serrés, moins vous aurez de discontinuité, mais plus le coût sera plus élevé.
4) Tableau de bord illisible
Finalement, on arrive à l’une des erreurs que peu de professionnels de gestion de projet arrivent à éviter, même pour les plus expérimentés.
C’est l’illisibilité et/ou l’infobésité du tableau de bord.
Afficher les indicateurs de son projet c’est bien, mais afficher tous les indicateurs possibles est contre productif.
Les bonnes pratiques dans le domaine du suivi de projet recommandent une utilisation, au maximum, d’une vingtaine d’indicateurs dont quatre sont des indicateurs clés de performance.
Le reste est à garder dans les pages d’analyse de son tableau de bord, à consulter au besoin.
Un tableau de bord chargé peut impressionner, mais noiera les informations essentielles et vous causera une cécité de pilotage.
Conclusion
Dans cette deuxième partie de l’article nous avons traité trois grandes familles d’erreurs de maîtrise des projets qui sont relativement plus influençables par l’équipe projet.
A savoir, les erreurs intrinsèques au projet, aux outils de maîtrise et aux techniques et aux données.
En effet, l’équipe de projet et vous chefs de projet êtes appelés à éviter ce genre d’erreurs communes.
Enfin, si je n’avais qu’un seul conseil à vous donner pour vous aider à éviter un maximum d’erreurs dans le pilotage de vos projets, ce serait :
« Simplifiez au maximum vos tableaux de bord ».
Surtout ne prenez pas mon conseil à la légère, dans la maîtrise de projet, faire simple est toujours compliqué.
Vous trouverez, ci-dessous, les mêmes ressources que celles de la première partie de l’article afin de vous aider à bien maîtriser vos projets :
- Key Performance Indicators, David PARMENTER, éditions WILEY.
- Les nouveaux tableaux de bord des managers, Alain FERNANDEZ, éditions EYROLLES.
- Tableaux de bord – Outils de performance, Denis MOLHO & Dominique FERNANDEZ-POISSON, éditions EYROLLES.