La résilience de projet post-échec est la capacité d’une organisation à surmonter les échecs et à identifier les opportunités d’apprentissage et de croissance.
Cet article s’intéresse au renforcement de cette résilience après l'échec d'un projet en utilisant les actifs organisationnels en possession du chef de projet, tout en comprenant l’environnement externe pour prévenir de futurs échecs des prochains projets.
Qu’est ce que la résilience ?
La résilience, est un mot qu’on utilise une fois on décrit le monde d’aujourd’hui, un monde en mouvement permanent et caractérisé par une volatilité alarmante.
On parle de la résilience des projets, des organisations, des peuples, des individus, et même des pays.
On trouve une définition explicite de la résilience dans le Guide 73 – 2009, en liaison avec la norme ISO 31000 qui traite de la gestion des risques : « La résilience est la capacité d'adaptation d'un organisme dans un environnement complexe et changeant ».
Peut-on parler de résilience après l’échec d’un projet ?
On comprend des définitions ci-haut que la résilience de projet s’opère et se pratique avant l’atteinte de l’objectif principal.
Mais qu’arrive-t-il s’il est trop tard ?
Si notre projet a déjà échoué ?
S'il n’y a plus rien à sauver ?
Peut-on parler toujours de résilience ?
La réponse est OUI.
Et ce, parce qu’on sait déjà, selon une étude du PMI (Project Management Institute) parue en 2018, que moins de 70% des projets arrivent à atteindre leurs objectifs Business initiaux.
Donc, sans la possibilité d’échouer, augmenter sa résilience n’aurait pas de signification, échouer fait partie du processus.
De plus, l’échec ne devrait pas être la fin de l’aventure et il faudrait plutôt apprendre des erreurs passées.
C’est en partie l’essence même d’un état d’esprit résilient et ce serait le sujet de cet article.
Ce que recommande le PMBOK® :
Avant de creuser la question de la résilience post-échec de projet, voyons les actions proposées par le référentiel PMBOK® 6ème édition pour augmenter la résilience de votre projet et prévenir son échec :
1) Un bon niveau de réserve pour aléa pour les risques émergents
C’est la solution la plus facile à envisager, mais elle est coûteuse et n’est efficace qu’après la réalisation d’un risque identifié.
Alors que dans le domaine de la résilience, il faut s’attendre à des risques non-identifiés au préalable.
2) Un budget spécifique pour les risques identifiés
Cette action rejoint la précédente dans son raisonnement et pourrait être de faible impact.
3) Des processus de projet flexibles pour la gestion des changements
Cette action est plus proactive que les deux précédentes mais pourrait donner de faibles résultats dans les métiers qui sont très réglementés et où les procédures sont par natures trop lourdes.
Le facteur humain est central dans la gestion des risques.
Avoir une telle équipe est le rêve de tout chef de projet, mais sa construction prend du temps et on ne peut pas exiger dans chaque projet de disposer uniquement d’experts.
5) La revue fréquente des signes avant-coureurs
La revue des signes avant-coureurs et l'action suivante sont les plus efficaces entre toutes.
Une lecture critique et permanente de l’environnement est un moyen de survie très important.
6) Des données d’entrée claires
C’est une nécessité dans tous les domaines pour vaincre l’ambiguïté grandissante de notre monde de plus en plus VICA (Volatil, Incertain, Complexe, Ambigu).
Maintenant que nous savons quoi faire pour prévenir, allons creuser la question de la résilience post mortem.
Une fois que nous avons accepté qu’un projet ait échoué.
Pour ce faire, nous allons traiter deux volets, les actifs organisationnels et les facteurs environnementaux.
Les actifs organisationnels : l’allier du chef de projet
Voici quelques bonnes pratiques à suivre :
1) Retour d’expérience
Les REX sont une mine d’or pour apprendre de nos erreurs et augmenter la résilience de nos projets durant leurs cycles de vie et surtout pour éviter de commettre bêtement les mêmes erreurs sur les projets futurs.
L’élaboration des REX fait partie de la gestion des connaissances du projet afin de se constituer une mémoire de nos échecs et des réussites ratées.
Disposer des REX des projets antécédents, minimise les pertes même après qu’un projet échoue.
Au lieu d’essuyer une perte sèche, au moins nous clôturons le projet tout en ayant appris de nouvelles choses sur le niveau de fragilité de notre manière de gérer les projets.
2) La résilience, c'est la mémoire de l’organisation et son système immunitaire
Projet après projet, les équipes commencent à se constituer une certaine mémoire de leurs expériences passées.
Cet actif organisationnel fortifiera après le « système immunitaire » de l’organisation et de ses projets.
Être résilient signifie de passer par trois étapes principales face à un choc violent :
Première étape :
Absorber et tenir bon face au choc violent qui frappe d’une manière imprévue, rapide et extrêmement violente.
Ceci signifie disposer d’un certain bouclier assez fort pour vous protéger sans que vous n’ayez à faire quoi que ce soit.
Pour pouvoir le faire, votre projet doit avoir pris en compte les erreurs passées et identifié les prochains risques pouvant aboutir à de nouveaux chocs.
Mais le plus important, c’est que vous devriez avoir pensé à constituer le REX du projet actuel pour les prochains.
Ceci, vous aidera à renforcer votre résilience même si votre projet échoue un jour.
Deuxième étape :
Après que l’onde de choc soit passée, il faut pour assurer la survie du projet, adapter ses processus, ses procédures et sa gouvernance de manière à ne pas succomber à un prochain choc.
Ainsi, l’équipe fait passer le projet en « mode survie » en minimisant l’exposition des actifs et en augmentant le niveau d’alerte.
Pour un projet qui vient d’échouer, partager les causes d’échecs explicites et tacites, avec les autres projets pourrait être la première action à faire en priorité.
Cela n’assurera pas la résilience du projet lui-même, mais celle de l’organisation et de ses autres projets.
Troisième étape :
Se transformer d’une manière plus globale afin de s’adapter au « nouveau normal ».
Après avoir passé une période en mode survie, l’équipe projet doit apprendre un maximum sur ce qui s’est réellement passé :
- Les causes du choc
- Sa nature
- Son impact à court et à long terme
- La probabilité d’en subir un autre
- Les autres projets qui en ont souffert
- Les risques identifiés durant les phases d’absorption et d’adaptation
- Les risques secondaires résultants des plans de mitigation, etc...
Les trois étapes n’ont pas les mêmes durées, mais sont toutes les trois nécessaires pour améliorer la résilience des organisations après les chocs qui font échouer certains projets.
La résilience d’une organisation est sa mémoire et cette mémoire est comme son système immunitaire.
3) Gestion des connaissances : les ingrédients
Vous avez bien compris que la mémoire de l’organisation assure sa survie et celle des projets qu’elle mène.
Mais pour entretenir cette mémoire, il faut prendre soin de plusieurs facteurs à savoir :
- Méthodes : l’équipe de projet devrait connaître, au préalable, comment gérer les connaissances de son projet. Le PMI a tout un processus de gestion des connaissances du projet, intégré à la gestion de l’intégration qui est sous la responsabilité du chef de projet.
- Outils : Qu’il s’agisse du système de gestion d’information ou de tout autre moyen, toute méthode sera sans effet, en l'absence des outils adéquats pour faciliter sa mise-en-œuvre.
- Instances et évènements : en plus de la méthode et des outils, des évènements dédiés doivent être organisés pour permettre un partage des connaissances entre les différents membres de l’équipe projet en interne et avec les équipes des autres projets.
- Continuité du processus : la gestion des connaissances du projet est une gestion de la mémoire du projet. De ce fait, la continuité de ce processus est plus que primordiale.
Facteurs environnementaux : la lecture de l’environnement
Si disposer de bon REX est nécessaire pour améliorer sa résilience, quand même il ne faut pas apprendre que des leçons passées.
Être conscient de ce qui se passe dans le moment actuel est aussi une question de survie pour les projets.
1) Assurer une Veille 360°
L’intégration des projets signifie aussi de faire du projet et de son environnement un « tout ».
Aucun projet n’est isolé de ce qui l’entoure et c’est le rôle de l’équipe projet, plus précisément du chef de projet, d’assurer une veille à 360° des influences sur le projet.
Cela fait partie de la prévention contre les chocs qui pourraient faire échouer le projet.
Et si jamais, nous avons déjà un échec, cela servira à documenter des informations sur l’état de l’environnement du projet au moment de sa clôture.
2) Garder les déclencheurs en vue
Comme la résilience est intimement liée à la gestion des risques, identifier et suivre de près les déclencheurs des risques va de pair avec la veille à 360°.
Se contenter d’identifier et de documenter des risques n’est pas la solution contre les chocs.
Il faut, au contraire, bien pressentir à quel moment les risques frapperont pour minimiser les dégâts et préparer le lancement du « mode survie ».
Souvent, la spécification des déclencheurs est une tâche difficile si on ne dispose pas de REX sur les risques en question.
De plus, si le risque s’est déjà réalisé, il est probablement compliqué de déterminer le moment exact et la cause précise de sa survenue.
Mais à cela, vous pouvez adopter trois approches :
- Raisonner par analogie : les analogies comme elles sont d’une grande aide pour élaborer des estimations, elles le sont aussi pour analyser les déclencheurs potentiels des chocs. Pour ce faire, il faut que l’équipe projet élargisse ses connaissances et dépasse son périmètre de spécialisation. Souvent les similitudes entre métiers sont assez bénéfiques pour celui qui sait les lire.
- Benchmarking : c’est plus facile que de piocher dans les analogies. Aller chercher ce qui s’est passé dans les autres projets ou chez les concurrents est une bonne approche pour améliorer son immunité contre les chocs.
- Analyse SWOT : c’est une analyse classique que peu de professionnels prennent au sérieux. La reconduire d’une manière périodique et avec un œil nouveau débouchera certainement sur l’identification de nouvelles faiblesses et de nouveaux déclencheurs de choc pour le projet et pour l’organisation.
Conclusion
Pour conclure cet article, je crois qu’il est judiciable pour tout professionnel de management de projet de garder à l’esprit que tout projet est risqué.
La gestion de projet est en grande partie une gestion des risques.
Et surtout, n’oubliez pas de vous poser la question suivante :
« Est-ce que notre projet sera capable de résister au prochain choc ? ».
Références :
- ISO 31000 – Management du risque
- ISO Guide 73 – 2009
- PMBOK6 – Project Management Body of Knowledge V6 – PMI
- Le standard pour la gestion des risques des portefeuilles, des programmes et des projets - PMI