Dans un contexte dynamique et avec des ressources limitées, les organisations sont face à un dilemme classique : plus de demandes que de moyens !
En amont, il est nécessaire d’effectuer un exercice de sélection et de priorisation des demandes, en définissant des critères de choix, alignés sur la stratégie de l’entreprise.
C’est une partie de l’art de la gestion de portefeuilles.
Mais, comme nous le disions, le monde est dynamique. C’est-à-dire que les circonstances internes et externes évoluent, changent et ceci, parfois rapidement.
Il faut donc accompagner régulièrement le portefeuille de projets pour mettre à jour les priorités, en accélérant un projet, retardant un autre, arrêtant un troisième, voire annulant un dernier.
Comment le faire le plus efficacement possible ?
C'est ce que nous allons découvrir dans notre article.
Comment accompagner la performance de son portefeuille de projets ?
L’accompagnement se fera de manière quantitative et qualitative.
Il est évident qu’un projet en retard, avec des dépassements de budget devra être analysé avec attention.
Néanmoins, d’autres facteurs tel que le niveau de risques, peuvent affecter la performance d’un projet, et en conséquence celui du portefeuille de projets.
Il est à noter également qu'un bon choix des projets permet de maximiser le portefeuille de projet.
1) Critère Quantitatif : l’approche Valeur Acquise
En accompagnant les indicateurs de :
- La Valeur Acquise (appelée Earned Value en Anglais)
- Essentiellement le SPI (Indicateur de performance des délais)
- Et le CPI (Indicateur de performance des coûts)
...Nous avons une vision simple de la performance du projet.
Pour rappel, lorsque ces indicateurs passent en dessous de la valeur 1, ils montrent une tendance négative de la performance du projet.
Plus d'informations sur la valeur acquise.
En fonction des livrables du projet, de l’information du retour d’investissement escompté, de la perception du sponsor, il est possible de définir des seuils au-delà desquels « l’intérêt » du projet peut être remis en cause.
2) Critère Quantitatif : l’accompagnement du retour d’investissement
Lié aux indicateurs de Valeur Acquise, l’accompagnement du retour d’investissement est également un critère important.
Le retour d’investissement se base sur un coût estimé et une réalisation à une date donnée.
Plus le coût augmente, et/ou plus le projet prend du retard, plus cela affecte le retour d’investissement.
On peut donc arriver à un moment où le retour d’investissement devient nul voire négatif.
Exemple : Transformation téléphonie classique (PBX) en VoIP.
L’objectif d’un projet « VoIP » est de remplacer un système de téléphonie conventionnelle fix basée sur des PBX et des connexions, à des opérateurs locaux par un système de Voix sur IP passant par Internet.
Plusieurs bénéfices :
- Amélioration de l’expérience utilisateur
- Diminution des coûts de communications internationales
- Mise à jour technologique
- Simplification des contrats (un contrat VoIP global plutôt que de multiples contrats nationaux).
Attention !
Chaque retard de remplacement d’un PBX, implique un retard dans la réalisation des bénéfices financiers et de contrats cités ci-dessus.
Ces projets étant relativement complexes, au bout du compte on peut se rendre compte que le retour d’investissement peut devenir beaucoup plus faible ou beaucoup plus long que prévu.
3) Critères Qualitatifs
Une approche intéressante est d’accompagner les bénéfices clés et les objectifs liés au portefeuille duquel fait partie le projet.
Lors de l’exécution du projet, si une augmentation des problèmes majeurs, une augmentation du niveau de risques, ou des retards ou dépassements de budget mettent en danger la réalisation des bénéfices et des objectifs liés au projet et au portefeuille, une analyse devient nécessaire.
Notez que le facteur temps est essentiel !
Parfois un retard de quelques semaines peut porter préjudice à la réalisation des principaux bénéfices.
Dans le monde agroalimentaire, il est important de connaître les dates de périodes de récoltes !
En Amérique du Sud par exemple, il y a deux récoltes de maïs par an : février-mars et Août-Septembre.
Si vous devez mettre à jour ou implanter des systèmes, des bâtiments ou des outils liés à la récolte du maïs, il faut que cela soit fait AVANT la récolte, pour en « récolter » les bénéfices liés au Business Case du projet.
Si le projet prend du retard et doit être arrêté à cause de la récolte (en période de récolte on évite de modifier les systèmes pour éviter toute panne), cela peut fortement remettre en cause les bénéfices et objectifs du projet, retardant l’exécution et la réalisation du projet à la fin de la récolte.
Dans une approche Agile, l’analyse constante de la valeur livrée permet également d’accompagner l’obtention des bénéfices et objectifs, et d’avoir ainsi des informations pertinentes, mettant à jour de manière efficace la gestion du backlog.
4) L’augmentation du niveau de risques
En accompagnant les risques et problèmes majeurs du projet on peut plus facilement détecter leur influence sur la performance stratégique du projet.
Dans certains cas, une augmentation importante du niveau de risques peut remettre en cause l’intérêt du projet.
C’est une situation ou la gestion de projet devient un art :
- Quand considérer que le niveau de risque peut potentiellement empêcher l’exécution d’un projet ?
- Quand considérer qu’il est plus « sage » d’abandonner un projet plutôt que de persévérer ?
Quels sont les critères de re-priorisation ?
Une fois que nous avons quelques indicateurs de performance de projet en main, nous avons les critères internes au projet.
C’est une partie de l’équation.
Un projet peut être arrêté, retardé ou abandonné à cause de sa performance, mais également à cause de l’interaction de la performance avec des critères internes à l’entreprise (mais externes au projet) ou totalement externes.
1) Les changements de contextes internes
Un projet, est un composant d’un portefeuille de l’organisation.
En interne, il est parfois décidé de prioriser d’autres initiatives ; il peut y avoir des urgences.
Tout cela impacte le ou les portefeuilles.
Les ressources étant « finies ».
Chacun a sans doute vécu des situations où une décision « Top-Down », parfois mal expliquée, faisait arrêter un ou plusieurs projets et prioriser une nouvelle initiative.
C’est un exemple.
En fonction du niveau de maturité des organisations, ce genre d’évènements arrivera plus ou moins fréquemment avec plus ou moins d'explications.
Quelques facteurs internes fréquents :
- Réajustement de la stratégie à la suite de la prise de connaissances des résultats trimestriels de l’entreprise.
- Changement de personnes dans le comité directeur. Même si la stratégie de l’entreprise peut rester la même, les perceptions et approches tactiques sont souvent différentes.
- Départ ou indisponibilité de ressource clé : dans toutes les organisations, vous avez des personnes clés, indispensables. Leur départ de l’entreprise, ou leur indisponibilité peut demander la re-priorisation des projets. Certes, c’est une situation à éviter, mais cela reste souvent un point sensible.
- Changement de priorité d’un autre projet : parfois l’arrêt ou la re-priorisation d’un autre projet crée un effet cascade au sein du portefeuille.
2) Les changements de contextes externes
Réglementaire :
Ici un sujet très simple à traiter : dans le cas d’un projet à caractère réglementaire, qui doit être livré avant une date donnée, définie par une directive officielle, si la date change, il peut être opportun de réévaluer le projet, le mettre en pause.
Économique, concurrentiel :
Des changements du contexte économique, comme un changement de taux d’intérêt, des fluctuations boursières, des changements de règles d’importation ou d’exportation peuvent affecter fortement la stratégie de l’entreprise, et en conséquence obligent à revoir les priorités.
Certains projets deviennent ainsi plus attrayants, d’autres obsolètes.
La concurrence peut également affecter la stratégie de l’entreprise : l’arrivée d’un nouveau concurrent, une fusion, le lancement d’un produit par un compétiteur vont obliger à revoir la stratégie pour s’adapter à la nouvelle situation.
Cas de force majeur :
Malheureusement, nous devons également mentionner le sujet des catastrophes naturelles, des problèmes climatiques ou des conflits.
Ce genre de risques, parfois non-prévisibles, peuvent affecter durement et subitement les entreprises et les obliger à revoir profondément et rapidement leur stratégie, et par voie de conséquence, la priorisation de leurs projets.
La guerre en Ukraine a obligé la plupart des entreprises agroalimentaires à revoir rapidement leurs flux logistiques !
En effet, les produits et céréales étaient en général transportés par camion vers les ports de la Mer Noire et ensuite acheminés par bateau.
L’invasion du Donbass a coupé cette route et a obligé à mettre en place des routes par voie terrestre vers la Pologne et la Roumanie.
Checklist dans le cas d'arrêt / annulation de projet
Dans le cas d'annulation ou de l'arrêt d’un projet, Il peut être utile d’utiliser une check-list plus complète :
Téléchargez cette checklist d'arrêt / annulation de projet
L'arrêt / annulation d’un projet ne devrait pas être considéré comme un échec.
Dans la section suivante, nous allons voir comment communiquer efficacement ce changement d’état du projet :
Comment mettre à jour et communiquer efficacement ces changements ?
Ralentir, arrêter voire abandonner un projet n’est pas une décision simple.
Premièrement, suivant le degré de maturité de l’entreprise et de sa culture, cela peut tout simplement ne pas être compris.
Ensuite, cela implique des mises à jour au niveau ressources humaines et financières, ainsi qu’une évaluation de l’impact sur les autres projets.
1) « Ralentir » un projet
Ralentir un projet est un sujet qui peut être traité par le chef de projet : il allonge la durée du projet, met à jour le planning et en conséquence le plan de charge.
Le tout est divulgué lors des réunions projets.
Du côté PMO et portefeuille de projet, le fait est enregistré.
Cela doit permettre de libérer certaines ressources et les allouer à d’autres activités.
Il y aura évidemment un impact sur d’autres projets, mais plutôt positif, la mise en disponibilité de ressources permettant d’optimiser d’autres projets.
2) Arrêter un projet
Dans le cas de l’arrêt d’un projet, la situation est plus complexe :
- Définir une date de reprise
- Libérer toutes les ressources, en incluant le chef de projet
- Vérifier les échéanciers financiers
- Informer les fournisseurs et partenaires externes ; éventuellement renégocier certains contrats
- Informer les parties prenantes impliquées dans le projet de l’arrêt du projet
- Définir comment gérer les éléments sur lesquels le projet travaillait. En fonction du secteur d’activité, cela peut impliquer des coûts supplémentaires tels que la mise en sécurité, des déplacements, …
Il est à noter qu’en fonction du type de gouvernance, il peut être nécessaire de documenter l’arrêt du projet par l’approbation d’une demande de changement pour le projet en question.
Enfin, gardons à l’esprit que le projet en question sera « réactivé » un jour.
Il est donc nécessaire de définir la date de réactivation, même si c’est parfois difficile.
Elle pourra être remise à jour en fonction des circonstances.
Et, au moment de la réactivation du projet, une vérification détaillée de la situation du projet sera nécessaire, ainsi qu’une approbation de « remise en marche ».
3) Annuler un projet
Nous abordons ici le cas le plus sensible, très souvent mal compris et mal reçu par les organisations :
La décision d’arrêter DEFINITIVEMENT un projet, de l’annuler.
Le terme « terminate » en anglais est assez parlant.
La décision doit être rationnelle et bien expliquée :
L’équipe projet, et l’organisation ont investi du temps, de l’énergie et de l’argent, dans une activité qui est abandonnée ; et dans certains cas, qui n’a rien délivré !
Le bilan détaillé est une étape essentielle.
Ici même chose, voici quelques points clés :
- Libérer toutes les ressources, en incluant le chef de projet
- Informer les fournisseurs et partenaires externes ; travailler étroitement avec le département juridique pour vérifier les clauses d’annulation de contrats pour minimiser l’impact financier.
- Vérifier les échéanciers financiers et réaliser un bilan complet.
- Informer les parties prenantes impliquées dans le projet de l’arrêt du projet
- Définir comment gérer les éléments sur lesquels le projet travaillait. En fonction du secteur d’activité, cela peut impliquer des coûts supplémentaires tels que la mise en sécurité, des déplacements, …
Conclusion
Un projet peut être arrêté, retardé voire abandonné à cause d’une mauvaise performance, mais également à cause de raisons « indépendantes de sa volonté », que cela soit interne à l’entreprise ou externe.
L’essentiel est d’avoir en main des indicateurs de performance, une bonne visibilité des ressources financières et humaines pour prendre les bonnes décisions.
Ensuite, le changement d’état d’un projet doit se faire d’une manière structurée pour minimiser les éventuelles pertes, effectuer correctement les transferts de ressources et alimenter le registre de leçons apprises.
D’un point de vue financier, un bilan dépense / valeur acquise doit être également fait pour mettre à jour les comptes de l’entreprise.
Enfin, comme toujours une communication transparente et précise s’impose, la non-conclusion d’un projet ayant toujours des impacts sur les sponsors et les équipes.
L’arrêt ou l’annulation d’un projet ne devrait pas être considéré comme un échec, mais plutôt comme une preuve de maturité de l’entreprise et une capacité d’adaptation à un contexte incertain et parfois imprévisible.