Discussion réelle avec un participant à une formation :
Je suis Chef de projet depuis 30 ans.
Tout ce que je sais sur la gestion de projet, je l’ai appris sur le tas.
Cette formation est ma première formation en gestion de projet.
C’est aussi la première fois que j’entends parler de standards internationaux de gestion de projet.
Lorsque je fais une formation, je présente toujours le cadre méthodologique sur lequel repose la gestion de projet.
Ces propos reviennent à chaque session.
Force est de constater que peu de personnes savent qu’il existe des standards internationaux définissant des cadres structurants et structurés pour gérer un projet.
Sans conscience de ces standards, est-il possible de gérer correctement un projet ?
Dans cet article, je vais faire référence aux quatre référentiels internationaux de gestion de projet et mentionner les principaux intérêts qu’ils présentent pour une organisation, les chefs de projet et les parties prenantes.
Ensuite, je me focaliserai plus sur le PMBOK® dans sa version prédictive pour présenter son cadre méthodologique.
Je terminerai en montrant comment passer d’une vue académique du référentiel à sa mise en œuvre opérationnelle.
Quels sont les quatre référentiels internationaux et les intérêts pour les utiliser ?
Voici les principaux référentiels internationaux de gestion de projet ainsi que les intérêts qu'ils présentent pour une organisation, pour les chefs de projet et les parties prenantes.
1) Les référentiels internationaux
Quatre organisations ont défini des standards de gestion de projet :
- Le Project Management Institute avec le "Guide du corpus des connaissances en gestion de projet" (PMBOK® en anglais)
- L’international Project Management Association avec l'Individual Competence Baseline® (ICB4)
- L’organisation de standardisation Internationale (ISO) avec la norme 21500 intitulée "Lignes directrices sur le management de projet"
- Le Gouvernement britannique avec "Managing Successful Projects"
Chaque organisation a défini son approche avec ses propres hypothèses qui ont évolué à travers le temps.
On me pose souvent la question suivante :
y a-t-il un référentiel meilleur que les autres ?
Ma réponse est toujours la même :
Il n’y a pas de standard meilleur que l’autre. Ils deviennent meilleurs si l’on a décidé d’en utiliser un parce qu’il correspond mieux au contexte du projet, de l’organisation et du client.
Mais, ils présentent tous le même état d’esprit :
- Ils sont applicables pour tous les projets, les organisations, les industries et les pays.
J’ai été certifié en 2006. De 2007 à 2011, je suis allé sur le terrain pour comprendre comment mettre en œuvre le PMBOK® et découvrir le retour sur investissement que l’on pouvait en attendre.
Parfois, les projets étaient dans des situations critiques. Mais à chaque fois, le PMBOK® m’a permis de mieux les gérer.
Ces référentiels ne sont que des guides de connaissances. Cela signifie qu’ils décrivent une façon de faire.
N’importe qui peut les lire. Ce n’est pas nécessairement littéraire, mais il n’y a pas de formules mathématiques. Nul besoin de connaissances spécifiques.
2) Les intérêts associés à l’utilisation des référentiels
Les référentiels présentent de nombreux intérêts pour une organisation, les chefs de projet et les parties prenantes.
Sans que la liste soit exhaustive :
Ils définissent un vocabulaire, des processus, des outils et des documents de référence internationalement reconnus.
- Le vocabulaire facilite la communication, parce que chaque concept a le même sens pour tous les acteurs projet.
- Les processus expliquent comment le projet sera géré. Cela développe la compréhension commune des objectifs du projet et de la façon de les atteindre.
Les référentiels évitent aussi aux organisations de créer des boîtes à outils spécifiques et propriétaires.
Rédiger une gouvernance projet par un bureau des projets (PMO – Project Management Office) exige beaucoup de temps et d’argent.
Ils améliorent l’exécution des projets. Cela impacte directement la performance de l’organisation.
L’utilisation d’un référentiel peut devenir un avantage concurrentiel.
De plus en plus d’appels d'offres demandent quelle méthodologie projet sera utilisée. Elle devient un critère de sélection.
Quel est le cadre méthodologique du Guide du Corpus des Connaissances en Management de Projet (PMBOK®) ?
Maintenant, intéressons-nous au cadre méthodologique structuré et structurant décrit pas ces référentiels.
Des quatre référentiels, je maîtrise mieux le PMBOK® et c’est celui-ci que je vous présente.
PMI® a profondément revu sa méthodologie de gestion de projet avec la version 7 du PMBOK® qui ne ressemble plus du tout aux versions précédentes qui étaient principalement focalisées sur une méthodologie orientée processus et prédictive des projets.
Dans son introduction à la version 7 du PMBOK®, PMI® mentionne néanmoins que la méthodologie prédictive demeure pertinente pour les organisations qui en ont besoin.
Les projets prédictifs restent aussi très nombreux dans de nombreuses industries.
Ayant plus cette culture, je continue d’utiliser la version 6 du PMBOK® (qui n’est plus du tout disponible, donc si vous l’avez, gardez-la précieusement) et le guide pratique sur les groupes de processus (téléchargeable en français sur le site de PMI®).
Jusqu’à la version 6, le PMBOK® repose sur 3 piliers comme le montre la représentation ci-dessous :
- Les groupes de processus,
- Les domaines de connaissances,
- Les processus de management de projet.
1) Les groupes de processus
Les groupes de processus correspondent aux 5 étapes que tout projet traverse :
- L’initialisation
- La planification
- L’exécution
- La maîtrise et le contrôle
- La clôture
À noter que ces groupes de processus ne correspondent pas aux phases d’un projet. De nombreuses personnes font la confusion qui génère un biais d’interprétation conduisant à une fausse croyance conceptuelle.
Les groupes de processus intègrent les phases en fonction des caractéristiques du projet (taille, durée…).
Un projet de trois mois pourrait comporter 3 phases :
- La phase initiale inclurait par exemple l’initialisation et la planification
- La phase intermédiaire, l’exécution et le contrôle
- La phase finale, uniquement la clôture
Pour un projet pluriannuel sur 3 ans, chaque année pourrait être une phase.
Une organisation peut décider que chaque phase annuelle contiendrait les 5 groupes de processus.
2) Les domaines de connaissances
Les domaines de connaissances définissent le spectre des connaissances de gestion que toute partie prenante devrait connaître pour mener à bien un projet.
Cela comprend :
- L’intégration
- Le périmètre
- L’échéancier
- Les coûts
- La qualité
- Les ressources
- Les communications
- Les risques
- Les approvisionnements
- Les parties prenantes
La force de ces domaines de connaissances est qu’associés les uns aux autres, ils définissent une approche systémique de la gestion d’un projet.
Un chef de projet qui connait ces connaissances comprend tout ce qu’il doit faire.
3) Les processus de gestion
En croisant les groupes de processus avec les domaines de connaissances, PMI® identifie les processus de gestion de projet qui vont permettre de gérer tout projet.
Un processus de management ressemble à une usine. Il comporte :
- Des données d’entrée – les matières premières,
- Des outils et techniques – les machines-outils,
- Des données de sorties – des produits (semi) finis.
Chaque processus représente une activité "simple" à réaliser.
Le processus "6.2 Définir les activités" a pour finalité d’identifier les activités et les jalons.
Pour y arriver, il comporte une liste des données d’entrée, des outils et des données de sorties qu’il conviendra de sélectionner et d’utiliser en fonction du contexte de chaque projet (voir schéma ci-dessous).
Les 49 processus de management de projet décrits dans le PMBOK® (2017) possèdent tous la même structure, mais un contenu spécifique.
Comment mettre en œuvre un référentiel comme PMBOK® de 2017
Le cadre méthodologique correspond à la vue pédagogique que l’on utilise pour dispenser les formations certifiantes ou non.
Pour une mise en œuvre opérationnelle, il convient d’aborder ce cadre différemment en tenant compte des liens entre :
- Les domaines de connaissances
- Les processus de management
1) L’articulation entre les domaines de connaissances
Les domaines de connaissances s’articulent les uns avec les autres tel que montré dans la représentation ci-dessous :
Il existe une chaîne centrale entre les domaines de connaissances allant des exigences aux objectifs du projet.
Dans l’approche PMI®, les exigences définissent les objectifs que le projet doit atteindre.
Figurent a minima parmi les objectifs :
- Les références de base sur le contenu, le délai et le coût
- La qualité du produit
- La satisfaction du client au sens où la relation avec le chef de projet s’est bien passée durant l’exécution
La collecte et la documentation des exigences permettent la définition de la référence de base "contenu".
Avec cette référence de base, il devient possible de réfléchir sur les risques qui pourraient survenir et aux ressources dont le projet aura besoin.
Risques et ressources sont étroitement liés. Des risques peuvent impacter les ressources et réciproquement.
La gestion des risques et des ressources est faite avant la définition de la durée et du coût.
Les délais et les coûts dépendent du type et de la quantité de ressources utilisées.
La quantification des plans d’action pour atténuer les risques négatifs (menaces) et augmenter les risques positifs (opportunités) est ajoutée au délai et au coût pour sécuriser l’atteinte des objectifs.
Lorsque la référence de base "contenu" est définie, la gestion des approvisionnements peut commencer pour savoir ce que le projet fera et/ou achètera.
La gestion de la communication et des parties prenantes est faite en parallèle :
- Les parties prenantes listent leurs exigences. Le projet les réalise et communique l’avancement. Les parties prenantes valident formellement les exigences.
La qualité qui recouvre la gestion (l’assurance) et le contrôle qualité fait aussi le lien entre les exigences et les objectifs.
La qualité permet d’identifier des écarts entre ce qui est planifié et ce qui est réellement fait.
La qualité s’assure que les exigences définies au départ du projet sont produites / réalisées comme convenu.
Si ce n’est pas le cas, des demandes de changement sont rédigées et instruites. La qualité a lieu pendant tout le cycle de vie du projet.
L’intégration a un statut plus large et complexe par rapport aux autres domaines de connaissances.
L’intégration est le centre de planification, d’exécution, de contrôle et de prise de décision.
L’intégration reçoit des informations en provenance des domaines de connaissances et leur renvoie des informations de nature différente.
Les demandes de changement émises par tous les processus de contrôle deviennent une donnée d’entrée du processus "4.6 Maîtriser les changements" qui les instruit.
Les demandes de changement approuvées deviennent alors des données d’entrée des processus :
- ‘4.3 Diriger et gérer le projet’ afin de rééquilibrer le projet
- ‘8.3 Maîtriser la qualité’ pour s’assurer que ces demandes sont mises en œuvre
2) L’articulation entre les processus de management
Chaque processus de management produit des informations qui seront échangées entre les processus.
Les processus sont liés les uns aux autres par les données de sortie qui deviennent les données d’entrée d’un ou plusieurs processus.
Deux exemples pour illustrer ces relations entre les processus :
1) La charte du projet issue du processus « Élaborer la charte du projet » devient une donnée d’entrée pour 13 des 49 processus de gestion.
Les processus ‘5.2 Collecter les exigences’ et ‘5.3 Définir le contenu du projet’ permettent de créer la structure de découpage d’un projet (SDP en français ou WBS en anglais) avec le processus ‘5.4 Créer le WBS’.
2) La structure de découpage d’un projet devient alors le squelette du planning à partir duquel les processus de planification des délais, des risques, des ressources et des coûts sont activés.
Le flux d’informations circulant entre les processus de management définit un ‘workflow’ qui présente la démarche managériale que tout chef de projet devrait mettre en œuvre.
Réflexions et conclusion
Mon vécu en organisation et comme formateur montrent que la connaissance sur les référentiels de gestion de projet est insuffisante et ce, quel que soit le référentiel.
Pour le PMBOK®, elle est aussi parcellaire, au sens où les parties prenantes n’ont pas conscience que la gestion de projet constitue une méthodologie systémique avec dix domaines de connaissances interconnectés les uns aux autres.
En coaching, lorsque l’on travaille avec un client pour le faire passer de sa situation actuelle à sa situation souhaitée, nous travaillons sur la conscientisation et la logique de sens. Sans conscience des ressources qu’il a à sa disposition, le client ne comprend pas le sens de ce qu’il doit faire.
Appliqué à la gestion de projet, cela pourrait expliquer les difficultés à respecter les références de base et l’atteinte des objectifs. Par exemple, si l’on ne connait pas les techniques d’estimations, comment peut-on produire des estimations fiables ?
Améliorer cette connaissance relève de nombreux défis dont deux sont très prégnants.
- Le premier tient à l’approche PMI® avec le PMBOK® orienté « processus » qui s’apparente à « une usine à gaz » et qui reste très « théorique » (même s’il n’y a pas de théories présentées à proprement parlé). Je ne peux pas blâmer ce commentaire car il est vrai que jusqu’à la version 6 du PMBOK®, cela ressemble à cela.
- Le second est lié à la gestion du changement de la part des organisations. Elles ont l’habitude de toujours faire les mêmes choses et le statu quo domine. Mettre en place une gouvernance de projet alignée sur un référentiel de gestion demande du temps et de l’argent.
Alors, faut-il rejeter les référentiels ?
La réponse est non.
Le workflow des processus que vous avez vu, je l’ai créé en 2007 pour rédiger la gouvernance de projet d’une société dans la télévision numérique qui souhaitait se doter d’un bureau des projets (PMO).
Je l’ai de nouveau utilisé en 2010 avec la même finalité pour une société industrielle qui réalise plusieurs milliards d’euros de chiffre d’affaires dans les mines et carrières.
Je le montre dans toutes les formations que je dispense.
Je reçois à chaque fois le même commentaire : « je comprends mieux ce qu’il faut faire et comment le faire. Maintenant, cela me parle. ».
J’ai eu l’opportunité de discuter avec une Directrice de programme qui gérait des projets d’ingénierie de plusieurs dizaines de millions d’euros.
Elle se demandait si les référentiels de gestion étaient vraiment « utiles ».
J’ai sorti mon PC. Je lui ai montré le worflow. Commentaire en retour : « je comprends ! » Je n’ai pas insisté plus.
Vous voyez : conscientisation et logique de sens.
Toujours dans la logique de sens, les référentiels peuvent être utilisés pour asseoir une posture managériale et pour communiquer avec les parties prenantes.
Les référentiels sont des cadres structurés et structurants. Le workflow des processus devient votre posture managériale. En une page, vous expliquez comment vous allez gérer ou vous gérez un projet.
Le workflow peut aussi servir de radiateur d’informations méthodologiques.
Les phases, les livrables et les lots de travail sont planifiés, exécutés et contrôlés.
Décidez du niveau où vous associez le workflow et utilisez le feu tricolore pour montrer aux parties prenantes où vous en êtes dans l’avancement et le déroulement de votre méthodologie projet.