Ergonomie au travail : principes et étapes d’analyse ergonomique

En matière de santé au travail, le domaine du bien-être physique passe par la prise en compte de l'ergonomie au travail et notamment le plus souvent par l'une de ses composantes qu'est l'ergomotricité, qui elle s'intéresse à la posture au travail.

L'enjeu actuel est de pouvoir maintenir l'employabilité des personnes au travail indépendamment de l'âge, alors que les troubles musculosquelettiques représentent aujourd'hui la très grande majorité des maladies professionnelles.

Dans cet article, nous allons aborder les règles d'ergonomie et les principes ergomoteurs en évoquant leurs enjeux et leur place dans une politique de prévention en matière de santé au travail.

ergonomie au travail

Qu’est-ce que l'ergonomie au travail ?

L'ergonomie est un mot d'origine grecque qui signifie littéralement "la Science qui étudie le Travail".

L'objectif de l'ergonomie au travail est d'adapter le travail à l'Homme, par le biais de la conception et/ou de la correction des postes de travail, à commencer par une posture ergonomique.

Pourquoi est-elle si importante en entreprise ?

L’ergonomie au travail est un facteur non négligeable d'amélioration des conditions de travail et de prévention des maladies professionnelles.

Elle impacte directement la santé des collaborateurs en entreprise.

Ci-après les problématiques actuelles en entreprise qui justifient son importance :

1) Maux de dos

Selon l'INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité) en France, plus de 2 salariés sur 3 ont eu, ont ou auront des problèmes de dos.

Le mal de dos ou lombalgie est devenu un enjeu de santé publique et de santé au travail.

L'INRS estime que la lombalgie liée au travail engendre un coût direct d'un milliard d'euros pour les entreprises.

1 lombalgie sur 5 entraîne un arrêt de travail.

20% des accidents du travail sont liés à la lombalgie.

Un accident du travail lié à la lombalgie engendre en moyenne 2 mois d'arrêt de travail.

Les causes majeures du mal de dos en entreprise sont les manutentions manuelles et les chutes, mais on peut également citer parmi les facteurs de risques les postures pénibles, les mauvaises conditions de travail ou encore des facteurs psychosociaux.

Une démarche de prévention globale incluant des analyses ergonomiques des postes de travail pourra contribuer à la réduction de ces pathologies.

2) Troubles musculosquelettiques (TMS)

Les troubles musculosquelettiques ou TMS sont des troubles de l'appareil locomoteur qui affectent principalement les muscles, les tendons et les nerfs.

Ils peuvent s'exprimer par de la douleur, de la raideur, de la maladresse ou une perte de force. Ils peuvent parfois devenir irréversibles et entraîner un handicap durable.

Les TMS représentent une large majorité des maladies professionnelles. Les zones corporelles les plus touchées sont les poignets et les épaules.

Les facteurs les plus évidents sont les gestes répétitifs, la manipulation de charges lourdes ainsi que les mauvaises postures. Mais des facteurs organisationnels et psychosociaux peuvent également jouer un rôle.

Comme pour les lombalgies, la prévention des TMS va passer par une identification des situations à risque suivie par un plan d'actions ergonomiques.

Voici un résumé en infographie :

gestion de la connaissance

Quels sont les aspects de l'ergonomie au travail ?

Si dans la suite de cet article, nous allons nous intéresser principalement au domaine des gestes et des postures, car ils constituent la principale réponse aux TMS et aux lombalgies, il faut savoir qu'au-delà de ces domaines, le champ de l'ergonomie est particulièrement vaste.

Il s'agit d'étudier le travail sous toutes ses formes et tous ses aspects.

Le principe d'ergonomie intègre ainsi à la fois les aspects techniques, physiques, biologiques, cognitifs, psychologiques et sociaux du travail.

Ainsi, les paramètres à prendre en compte lors de l'application de l'ergonomie au poste de travail sont :

  • la prise en compte des positions et des gestes des travailleurs à leur poste de travail
  • la température de l'environnement de travail
  • la luminosité
  • les couleurs
  • le bruit
  • l'effort nécessaire
  • la concentration nécessaire et la charge mentale
  • le fait de travailler seul ou en équipe
  • etc.

Qu'est-ce que l'ergomotricité ?

L'ergomotricité est la composante de l'ergonomie au travail qui étudie la motricité lors du travail.

Elle traite de la bonne adaptation des gestes et des postures et constitue donc une approche nécessaire en prévention des troubles musculosquelettiques et des lombalgies.

Nous allons voir quels sont les 6 principes ergomoteurs et comment ils peuvent être utilisés en santé au travail.

Quelles sont les conditions d'ergonomie au travail ?

L'application des règles d'ergonomie au poste de travail requiert la prise en compte de 6 principes ergomoteurs, à savoir :

1. Rapprocher les centres de gravité

La force nécessaire pour porter un objet est beaucoup plus importante lorsque cet objet est éloigné de notre corps.

Pour transporter un objet lourd sur une certaine distance, la meilleure posture, lorsqu'elle est possible, consiste donc à porter l'objet au niveau de notre ventre, contre notre abdomen.

2. Garder le dos droit et gainé

Notre dos est rapidement soumis à des contraintes importantes lorsque nous soulevons des charges.

Ainsi, si nous plions notre dos à l'horizontale pour prendre un objet pesant 25 kg, alors au niveau de nos vertèbres, c'est une charge de 375 kg qui va être exercée, avec un risque de développer à terme une lombalgie.

En conservant le dos droit lors de cette même manipulation, nous pouvons faire baisser la charge au niveau de nos vertèbres à l'équivalent de 75 kg.

3. Utiliser la force des jambes

Les muscles des jambes font partie des groupes musculaires les plus puissants de notre corps.

Nous pouvons donc tirer avantage de cette puissance en les utilisant par exemple pour soulever des objets.

Il nous est beaucoup plus aisé de déplacer un objet d'une position basse vers une position haute en pliant les jambes et en utilisant nos muscles des membres inférieurs pour nous redresser, que si nous utilisions notre dos ou la seule force des bras.

4. Utiliser les points d'appui

Il arrive que l'on doive aller chercher un objet dont on ne peut pas s'approcher : par exemple un objet posé au loin sur une table, ou un objet situé de l'autre côté d'une barrière.

Dans ces cas de figure, il n'est pas toujours possible d'appliquer les deux premiers principes, car nous ne pouvons physiquement pas rapprocher les centres de gravité et nous allons être obligés de plier notre dos.

Dans ces situations, pour soulager le dos, nous allons faire en sorte qu'il ne supporte pas la totalité de la charge.

Pour cela, nous pouvons utiliser des points d'appui.

Par exemple, dans le cas d'un objet situé au loin sur une table, nous pouvons appuyer nos deux cuisses contre le rebord de la table, et également utiliser l'un de nos bras tendus pour prendre appui sur la table. 

La charge sera donc répartie entre ces différents points d'appui et le dos sera davantage épargné.

5. Manipuler les objets dans les distances de confort

Sur le premier principe d'ergomotricité au poste de travail, nous avons évoqué les sollicitations provoquées par le fait de porter un objet loin du corps, qui sollicite davantage les muscles. 

Mais même sans parler de port de charge, garder les bras tendus est une position qu'il nous est inconfortable de tenir pendant une longue durée.

Donc même pour simplement manipuler des petits objets ou pianoter sur un clavier, il existe une "zone de confort" qui s'étend à quelques dizaines des centimètres devant notre abdomen.

Il convient donc de privilégier cette position en particulier pour les opérations longues ou répétitives, afin de limiter la fatigue musculaire.

6. Faire travailler ses articulations dans les angles de confort

Chacune de nos articulations comporte des plages d'angles déterminant des zones de confort, des zones à risque et des zones à éviter absolument.

Parmi les articulations importantes à prendre en compte pour les angles de travail sur la partie supérieur du corps, nous pouvons citer :

  • la rotation et la flexion du cou
  • l'articulation des épaules
  • l'articulation des coudes
  • la rotation et la flexion des poignets
  • la rotation et la flexion du tronc.
les principes de l'ergomotricité

Comment appliquer l'ergonomie au travail en entreprise ?

La connaissance des 6 principes ergomoteurs sert de base à deux actions principales en entreprise pour mettre en place une meilleure ergonomie au travail :

1. Les formations / sensibilisations "gestes et postures"

Instinctivement, dans ses actions, l'humain va avoir tendance à prendre des positions qui ne sont pas adaptées.

Une formation de chacun est donc nécessaire pour sensibiliser le personnel aux "bonnes postures".

L'une des difficultés pour une telle formation santé/sécurité est qu'elle ne traite pas de risques ayant des conséquences immédiates, telles que les risques d'accident ou de blessure.

Les conséquences des mauvaises postures seront visibles sur le long-terme et il s'agit d'une question de probabilité.

Il est donc nécessaire ici d'adapter la pédagogie afin de rendre les messages efficaces.

Il est important également que cette formation passe par des mises en situation avec des simulations pratiques, idéalement adaptées au contexte quotidien des personnes formées.

2. Les améliorations des postes de travail

Par le biais de ces 6 principes ergomoteurs, la connaissance des postures de confort et des postures à risque pour le corps humain va permettre de travailler sur l'adaptation des postes de travail.

Le but est de concevoir un poste de travail de façon à ce que, d'une manière naturelle, il contribue à faire travailler l'opérateur dans des positions les plus proches possibles des positions de confort.

Plusieurs outils existent pour mener des analyses ergonomiques d'un poste de travail.

Dans la section suivante de cet article, nous allons nous intéresser plus particulièrement à l'outil "RULA".

Démarche d'analyse ergonomique d'un poste de travail

Mettre en place une ergonomie au travail nécessite une démarche de prévention dans le but d'anticiper, de la manière la plus exhaustive possible, des événements qui ne se sont pas encore produits.

Une telle démarche de prévention des contraintes posturales consiste à :

  • Identifier des événements susceptibles de se produire et d'avoir un impact négatif
  • Hiérarchiser ces événements possibles afin d'identifier ceux à traiter en priorité
  • Proposer et mettre en œuvre des solutions dans le but de réduire ces risques
  • Valider l'efficacité de ces solutions en évaluant l'impact sur la réduction du risque identifié.

Découvrez dans cet article comment évaluer les risques.

Des outils existent pour mettre en place des démarches préventives.

Certains d'entre vous connaissent certainement les analyses "AMDEC" qui permettent par exemple de travailler sur la fiabilité des équipements.

Dans le domaine de l'ergonomie au travail, plusieurs outils existent également. L'un d'entre eux est la grille de cotation ou grille d'analyse ergonomique "RULA"

Elle est particulièrement adaptée pour l'analyse des postures qui sollicitent principalement les membres supérieurs.

La grille d'analyse ergonomique RULA

"RULA" signifie "Rapid Upper Limb Assessment", c'est-à-dire "Evaluation Rapide des Membres Supérieurs".

L'analyse RULA est prioritairement basée sur le principe ergomoteur des "angles de confort".

Elle consiste à mesurer les angles des articulations de la partie supérieure du corps (cou, épaules, coudes, poignets et tronc) et à identifier les situations les plus éloignées des angles de confort.

La grille d'analyse ergonomique RULA permet d'en déduire un indice de criticité pour une posture donnée et donc d'identifier les postures à corriger en priorité

Elle met d'ailleurs en évidence pour chaque posture quelles sont les articulations soumises aux contraintes les plus critiques.

Étapes de l’analyse RULA

Mener une analyse RULA correctement prend du temps et doit mobiliser un petit groupe de travail.

Il n'est donc pas question de mener sur une courte période une analyse exhaustive de tous les postes de travail d'une entreprise.

1) Identification et préparation

Une première étape consiste donc à bien sélectionner le ou les postes de travail sur lesquels travailler à court terme.

On peut pour cela se baser sur des critères tels que :

  • les retours ou plaintes des collaborateurs travaillant à certains postes
  • l'analyse de l'historique des accidents du travail et des soins
  • l'opportunité d'analyser un poste de travail qui va faire l'objet d'un investissement et/ou d'un réaménagement

Une fois que le premier poste de travail à analyser est identifié, il convient de préparer l'analyse en:

  • constituant un groupe de travail incluant des personnes travaillant à ce poste et une ou plusieurs personnes formées à l'outil RULA
  • déterminant le moment le plus approprié pour aller réaliser une observation sur le terrain à ce poste de travail
  • rassemblant les outils nécessaires tels que : un appareil permettant de filmer et prendre des photos ; un logiciel permettant de mesurer les angles au niveau des articulations de l'opérateur ; un modèle de grille d'analyse ergonomique RULA.
Étapes de l’analyse RULA

2) Observation

Le groupe de travail constitué va se rendre sur le terrain pour observer le ou les opérateurs réaliser leurs tâches au poste de travail.

Durant cette observation, il est important de prendre des photos et de filmer les différentes positions prises par le corps des opérateurs.

Une séquence filmée permet de mesurer plus finement les angles des articulations.

Filmer depuis différents points de vue contribue également à une mesure plus aisée des angles.

Idéalement, il est intéressant d'observer plusieurs opérateurs au même poste de travail puisque tous n'adoptent pas forcément les mêmes positions pour effectuer une même tâche.

3) Cotations

Une fois les observations réalisées, la mesure des angles des différentes articulations du corps de l'opérateur peut être réalisée depuis les vidéos grâce à un logiciel tel que Kinovea.

Ces angles mesurés sont ensuite reportés dans la grille d'analyse ergonomique RULA, ce qui permet de calculer un indice de criticité des positions (de 1 à 7, l'indice le plus critique étant 7).

Le groupe de travail décide ensuite à partir de quel seuil de criticité des actions vont être mises en place.

4) Proposition et mise en œuvre des solutions

Pour les positions que le groupe a décidé d'améliorer, la grille d'analyse ergonomique permet de mettre en évidence les articulations qui sont les plus impactées.

Ainsi, pour réduire la criticité d'une posture, les actions devront porter sur ces articulations-là.

De nombreuses solutions techniques sont possibles :

  • modification de la position de l'opérateur
  • modification de la position de ce que l'opérateur manipule
  • dispositifs d'aide
  • Etc.

Pour mesurer l'efficacité d'une solution proposée, il suffit de la simuler, de rentrer les nouveaux angles observés dans la grille RULA, et de voir quel est l'impact sur la criticité de la posture.

Conclusion

Avec l'évolution de certaines pathologies durant les dernières décennies, et leurs conséquences humaines, financières et organisationnelles dans les entreprises, les enjeux sont devenus immenses autour du déploiement de démarches préventives en matière de santé au travail.

Dans ce domaine, l'utilisation de l'ergonomie au travail joue un rôle principal. 

Il est important pour les entreprises de renforcer les connaissances sur ces thématiques par le biais de formations et/ou d'interventions d'experts ergonomes.

Manuel Houllé

A propos de l'auteur

Manuel est expert en Lean. Titulaire d'un Mastère Spécialisé en Lean Management : performance et santé au travail, certifié PMP®, il a 20 ans d'expérience en industrie dans des fonctions Méthodes Maintenance, Supply Chain et Excellence Opérationnelle.
Passionné par les aspects humains de son métier, il s'épanouit en partageant ses connaissances et son vécu à travers des formations, des articles et des accompagnements individuels ou collectifs.
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